Portraits d’acteurs sur la conférence AFRAVIH 2018 vendredi 6 avril

Interview Pauline Penot 

Pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Pauline PENOT. Je suis médecin interniste de formation et je travaille dans le service de médecine interne de maladies infectieuses de l’hôpital André Grégoire, qui est à Montreuil en Seine-Saint-Denis où j’ai déployé un CeGIDD ; à savoir un centre de santé sexuelle, dans lequel, on a agrémenté l’activité de PrEP mise en place depuis deux ans dans l’hôpital.

Pour vous, quelles sont les trois dates clés de la lutte contre le sida ?

Je crois que, dans le contexte territorial dans lequel nous on vit à Saint Denis, le progrès sur la prévention de la PrEP bénéficie à une population très ciblée population HSH et on rentre dans un rapport un peu différentiel par rapport aux HSH parisiens avec lesquels j’avais travaillé auparavant. Sur notre territoire ce sont des HSH qui sont moins identitaires, qui ont plus souvent jamais eu recours à la sérologie VIH, qui fréquentent moins de lieux de convivialité gay, parce qu’en Seine-Saint-Denis n’y en a peu ou pas. Ils ont une connaissance un peu différée dans le temps des stratégies de prévention de la PrEP, une moins bonne connaissance de façon générale sur la santé sexuelle, les IST bactériennes. La deuxième population qu’on voit beaucoup, en suivi de VIH, sont les personnes originaires d’Afrique Subsaharienne qui constituent l’essentielle de notre file active. Ces populations bénéficient peu ou pas du tout de la PrEP. Alors on essaye de leur faire bénéficier de tout ce qui est possible comme stratégie de prévention. Je pense que, sur ces populations-là, le Test and Treat ; à savoir le dépistage, beaucoup plus systématique, à l’occasion d’évènements symbolique de la vie comme notamment le dépistage prénatal des hommes aura un impact beaucoup plus fort de lutte contre l’épidémie que la tentative de l’élargissement de la PrEP qui seront toujours un peu à la marge.

Concernant l’élargissement à la PrEP à d’autre public, quels moyens de communication, avez- vous mis en particulier en place ? Et avez-vous travaillé sur des outils de communication pour les autres publics ?

On travaille surtout avec des acteurs de terrain qui sont beaucoup plus près des populations que nous. Ce sont des acteurs associatifs et qui ont plus l’accès direct aux outils de communications que nous. On a un peu travaillé sur des journaux ou des radios communautaires sur lequel on peut diffuser de la connaissance mais surtout après quand les personnes connaissent les dispositifs d’accès à la santé sexuelle que sont les CeGIDD. C’est répondre à leur demande première, raison pour laquelle elles viennent pour par la suite pouvoir créer du lien et parler PrEP de façon plus individuelle plus ajusté à leur besoin. Parler PrEP ou parler de façon générale de prévention du VIH, pour que des personnes est cette information pour elle-même et puisse éventuellement diffuser la connaissance autour d’elles. Sachant que diffuser la connaissance, c’est quelque chose qui marche assez bien dans le milieu HSH. Il y a une réelle communauté autour de la sexualité, qui peut fonctionner dans des milieux, par exemple de prostituées, il y a une communauté autour de la pratique professionnelle qui est lié au sexe. Les autres communautés, par exemple la communauté malienne et ivoirienne, n’ont pas tellement l’occasion de parler de sexualité ensemble et du coup, je ne suis pas sûre que l’information se relaye aussi bien en ce qui concerne très spécifiquement la PrEP.

On s’aperçoit dans les consultations PrEP que le suivi des preppeurs sature les consultations d’initiation, que pensez-vous de la délégation de tâches et pensez-vous que cela peut être mis en place dans le cadre d’un protocole de coopération ?

Dans l’expérience de l’hôpital de Montreuil, on a mis en place un protocole de coopération qui est en cours de validation institutionnelle et qui ne porte pas spécifiquement sur la PrEP. Il porte sur la délégation des tâches de dépistage notamment dépistage hors les murs. C’est l’amont de la PrEP, qui constitue le recrutement des personnes les plus vulnérables pour les mettre dans un parcours de santé sexuelle. Ce protocole décrit la délégation de la vaccination, du traitement des IST simples avec des procédures qui sont relativement bien faites. Pour la PrEP, ça commence à se faire mais ça ne marche pas très bien dans les hôpitaux. Je pense à Saint Louis, apparemment il y a eu une très grande file active de PrEP. Cela fait longtemps qu’il y a cette espèce de rengaine de déléguer à des professionnels paramédicaux le suivi. Ce n’est pas si simple parce que je pense qu’il y a quand même besoin d’une expertise médicale pour gérer de la consultation dans laquelle on prescrit des prophylaxies médicamenteuses dont on manage les effets secondaires. Ces consultations sont aussi des consultations de santé globale ; au moins une santé sexuelle globale. On est plutôt dans un positionnement où on s’appuie sur l’infirmière pour faire de l’éducation thérapeutique, le suivi de perdus de vue, les entretiens avec les patients les plus vulnérables mais aussi pour coordonner leur prise en charge avec l’assistante sociale, avec les associations, avec la sage-femme, avec la traumatologue qui prend en charge les personnes victimes de violences plutôt que d’être dans la prescription médicamenteuse.

Avec les deux ans de pratique en consultations PrEP, les premiers retours, qui sont fait, sont un nombre important de perdus de vue, comment vous expliquez cela et qu’est-ce que vous mettez en place ?                          

Je ne sais pas très bien ce qu’est un perdu de vue en PrEP. Dans le VIH, c’est assez simple. Quelqu’un qui est perdu de vue soit quelqu’un qui se fait suivre ailleurs soit quelqu’un qui a interrompu son suivi antirétroviral donc son traitement antirétroviral. En PrEP, les besoins des gens évoluent dans le temps donc je ne sais pas très bien à quoi ça correspond. Est-ce que ça correspond à quelqu’un qui aurait besoin de PrEP et qui n’en prend plus, ou bien, est ce que ça correspond à quelqu’un qui prend de la PrEP ailleurs, ou encore, est-ce que ça correspond à quelqu’un qui ne perçoit plus un risque d’exposition au VIH ou elle qui justifie de venir en consultation de faire des bilans de reprendre rendez-vous de s’engager dans ce processus au détriment d’autres impératifs de la vie quotidienne.

Cela peut correspondre à des réalités très différentes. Cela peut correspondre à quelqu’un qui est dans des impératifs de survie qui prennent totalement le dessus par rapport aux contraintes biomédicales. Cela peut être une femme en situation irrégulière, vulnérable, victime de violence qui n’a pas de titre de transport, qui a peur de se faire contrôler quand elle prend les transports transiliens, etc …. Cela peut correspondre à quelqu’un qui est venu une fois et puis finalement a une situation personnelle qui a évoluée et qui s’est mis en couple ou qui s’est séparé de la personne avec qui elle avait une relation avec laquelle elle n’arrivait pas à imposer le port du préservatif ou qui n’était pas dans une confiance suffisante pour se sentir affranchi du risque du VIH et qui du coup vient pas au rendez-vous suivant. Il y a des situations qui sont très différents. Il y a beaucoup plus de perdus de vue et il y a beaucoup de consultations non honorées parmi les personnes qui sont pas les publics HSH tout simplement parce que ce sont des publics qui ne sont pas demandeurs de PrEP. C’est une offre que nous apportons et qui ne correspond pas aux besoins ressentis par la personne et du coup c’est difficile encore une fois d’autres paramètres qui sont mis sur le haut du panier font passer la prévention complétement en deuxième plan. De toute façon, tant qu’on est pas une stabilisé résidentielle, stabilité administrative, d’un revenu minimal de subsistance, c’est très difficile de s’investir dans de la prévention.

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Interview Pauline Penot 81.15 KB - 11 avril 2018

Interview Pauline Penot - AFRAVIH 2018 ...

 

Interview Christine Kafando

Christine Kafando Présidente d’Espoir pour demain, celle qui coordonne aussi la Maison des associations est la première femme burkinabé à avoir témoigné de sa séropositivité à visage découvert.

Pour nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas, pouvez-vous présenter en quelques mots ?

Je suis Christine KAFANDO. Je suis venue du Burkina Faso et je suis la présidente d’une association de lutte contre le VIH sida qui regroupe plus de 90 % de femmes autour de 1250 personnes au sein de l’association et aussi les enfants vivant avec le VIH.

Pourquoi avez-vous décidé d’appeler votre association « Espoir pour demain » ?

 « Espoir pour demain » s’est créé parce qu’on  on avait pour objectif d’accompagner les enfants infectés. En effet, en son temps, il n’y avait pas de programme de lutte contre le VIH sida pour les enfants. Tout était pour les adultes, rien pour les enfants, alors que pour nous, les enfants c’est l’espoir. On s’est dit : « demain, ce sont les enfants qui vont nous remplacer et comme l’espoir est permis donc « Espoir pour demain ».

Quelles sont vos deux ou trois dates clés dans la lutte contre le sida ?

Les grandes avancées en 2002, lorsque dans mon pays le président de la république a annoncé la gratuité des antirétroviraux. Là ça m’a beaucoup aidé et  je me suis sentie bien parce que je me suis dit qu’on est proche de la victoire. C’était un grand jour,  pour nous qui avons connu les années sombres ;  c’est à dire les années où on nous dépistait et qu’il n’y avait pas de traitement. On prenait notre mal en patience et le jour où ils ont déclarés la gratuité des ARV et bien on a fait carrément une fête à l’association. L’autre date, c’est quand on m’a décoré la légion d’honneur française pour le travail que j’ai fait en 2014. J’ai compris que les gens me suivaient de prêt parce que je ne savais pas que l’on remarquait un peu ce que je faisais ; c’est là que j’ai compris que les actions que je mène sont suivies. En fait, je menais mon travail et je m’en fous de la politique. Je fais mon plaidoyer et j’avance avec les gens derrière suivaient mes pas et voyaient où je voulais en venir, donc  c’est une reconnaissance du travail mené. Puis le Burkina a reconnu aussi le travail et m’a donné l’ordre du mérite. Ce sont des dates qui m’ont marqué positivement. Il y a des dates qui m’ont marqué négativement aussi, quand on a perdu des grands amis du VIH,  des combattants de chemin,  des acteurs de la lutte qui sont tombés sur le poids du sida et là ce sont des périodes où c’était dur. Aujourd’hui,  nous,  on vit. On n’est pas plus intelligent, on n’est pas plus joli,  on n’est pas plus beau,  on n’est pas plus fort c’est nous qui vivons … c’est une injustice. C’est pour eux qu’on est toujours engagé parce que si on baisse les bras,  c’est comme si on les abandonnait.

Vous étiez une des premières femmes sinon la première à avoir déclaré sa séropositivité publiquement. Comment avez-vous affronté cette déclaration et est-ce que vous avez pu obtenir du soutien suite à cette annonce ?

En fait, c’est vrai que pour se déclarer positive en son temps,  dans les années 97-98, s’était pas du tout évident. J’étais surprise d’apprendre ma sérologie positive. Je me suis rendue compte que, dans mon entourage, il y a beaucoup de personne qui mourraient du VIH sida, particulièrement les femmes. Je suis allé voir le médecin infectiologue qui m’a proposé ce test. Je lui ai dit  que tôt ou tard je passerais par là et j’ai envie de passer ma vie à faire de l’aide, enfin aider les  gens pour qu’ils meurent dignement. En effet, les personnes infectées en phase terminale étaient stigmatisées, rejetées aussi bien par le personnel de santé d’abord que part la famille et abandonnées à l’hôpital. Il fallait quelqu’un qui accompagne ces malades parce que je me disais que tôt ou tard je passerais par ce même lit là aussi ; car il n’y avait pas de traitements. Je prenais mon mal en patience, en me disant que  ça peut être demain. Cela peut être n’importe quand donc il va falloir faire quelque chose pour ces gens-là et sensibiliser surtout les médecins pour qu’ils s’en occupent et que nous acteurs communautaires aussi. On peut faire quelque chose. En fait, j’étais la seule dans ce service-là à faire ça. On parle de la folie,  de la dépression. Les gens m’ont traité de folle. Même les médecins m’ont dit : «  tu vas vite mourir parce que tu vas chopper des infections ». Je m’en foutais parce que oui, pour moi c’était fini. Quand on meurt, on n’a plus mal donc du coup, c’est comme si j’avais envie d’attraper quelque chose dans ce service et puis en finir avec ça. Je voulais transformer ça en aidant et pouvoir partir aussi dignement. C’est ce qui m’a poussé à faire ça et puis à témoigner surtout à amener les  femmes à se faire dépister même s’il n’y a pas de traitement au moins de savoir de quoi on va mourir bientôt. C’est comme ça qu’un matin, je me suis levée et j’ai dit il faut que je parle de ce mot je suis allée parler de ce mot.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué dans votre parcours, vous parlez beaucoup des femmes et du parcours des femmes ? Est ce qu’il y a des hommes qui prennent conscience et s’engagent à vos côtés ?

C’est vraiment dommage parce que les hommes ne s’intéressent pas beaucoup aux associations. Les femmes vivant avec le VIH sont doublement discriminées. D’être femme d’abord elles sont marginalisées et pas assez considérées par notre communauté. C’est culturel et le fait d’avoir le VIH sida qui est une maladie stigmatisante. Elles sont accusées à tort et à travers d’avoir envoyé le virus dans le couple, dans la famille,  et le plus souvent,  elles vivent leur souffrance toutes seules. Quand  on approche les hommes pour essayer de les sensibiliser c’est lettre morte parce qu’ils ne vont pas poser d’actions. Ils ne vont pas changer leur comportement.  Ces  femmes n’ont pas d’autres solutions. Elles ne sont ni économiquement, ni socialement stables. Elles n’ont rien sur quoi s’appuyer pour dire que  même sans l’homme elles peuvent vivre donc elles sont obligées de subir,  d’accepter la souffrance que les hommes leurs font subir pour pouvoir rester dans leur foyer. En effet, chez nous,  une femme qui n’est pas mariée est mal vue ; elle n’est pas considérée donc elles sont là dans le foyer juste pour dire que je suis Madame tel. En fait,  il y a une forme d’hypocrisie dans tout ça mais bon c’est notre culture qui est comme ça et donc la souffrance des femmes quand on prend, par exemple la prévention transmission mère –enfant, on n’arrive pas à avancer car les hommes ne veulent pas venir dans les formations sanitaires pour se faire dépister et accompagner leur épouse. C’est la femme toute seule qui va venir se faire dépister. Si elle est positive, on va mettre en place un programme de prévention transmission mère-enfant. On cherche à joindre l’homme. Il ne vient pas. Lorsque la femme est enceinte,  il arrive juste que le monsieur donne son nom et sa profession  qu’on insère dans le cahier de naissance de suivi pré postnatal. Après ça,  c’est fini on peut plus mettre la main sur lui. Ceci montre que  les hommes ne sont pas assez impliqués. Ils n’accompagnent pas les femmes. Il faut dire que même s’ils sont infectés, ils font comme s’ils ne sont pas infectés et se cachent. Moi,  je me dis que les femmes sont toujours plus fortes que les hommes.

Votre présentation était sur vraiment la santé mentale et la dépression chez les femmes, avez-vous des professionnels pour vous accompagner, sont –ils présents ou est-ce que y a besoin d’aller les chercher, ou encore de lancer un appel pour justement cet aspect-là de la maladie soit aussi pris en compte ?

Les professionnels de santé, de toute façon, ne sont pas assez. Comme quelqu’un vous l’a dit,  on a un médecin pour environ 5 à 10 000 patients donc ce n’est pas possible,  c’est lourd donc on a besoin de personnels. On a besoin de faire le plaidoyer pour qu’il y en ait  plus de personnels compétents qualifiés. Je dirais qu’il faut renforcer la prise en charge de la santé mentale. C’est une épidémie oubliée, comme je l’ai dit tout à l’heure. Personne ne s’en est préoccupé même la communauté internationale, alors que c’est le début de la prise en charge. Dès qu’on te dépiste, déjà tu es sûr, tu es dans un état de choc parce que quand tu attends un résultat sans savoir à quel moment il sera rendu sans savoir quel résultat tu attends, que le résultat VIH arrive positif tu te dis : « ohlala ». Avant même de passer à la prise en charge, il faut un accompagnement psychologique. Dans nos pays, ce n’est pas le cas. On te dépiste, tu vas au traitement et puis voilà si tu arrives à monter un peu tes CD4, on voit si tu as besoin d’un psychologue ou pas mais c’est perçu comme un problème de folie donc même si tu as le souci, tu ne poses pas de problème. En fait, on va te stigmatiser et on va dire que tu es fou. Il y a beaucoup de chose à faire pour faire évoluer  la mentalité africaine tant au niveau des droits de la femme que de la reconnaissance des faiblesses. C’est un continent qui veut être fort,  un continent qui veut montrer la force et du coup ne veut pas accepter la faiblesse.

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Interview Christine Kafando 110.38 KB - 11 avril 2018

Interview Christine Kafando - AFRAVIH 2018 ...

 

AFRAVIH 2018 jeudi 5 avril : Portraits d’acteurs Jean-Marie Masumbuko et Emilie Seck

Interview d’ Emilie Seck

Emilie est-ce que tu peux présenter un peu ton parcours pour arriver jusqu’à Solidarité Sida et puis expliquer aussi qu’est-ce que Solidarité Sida ?

J’ai fait des études. J’ai un master en santé publique en action de sanitaire et sociale. Pendant mon master, j’ai travaillé sur la sexualité des jeunes, en faisant un premier stage au planning familial et un deuxième dans une association au Sénégal où j’ai travaillé sur la pénalisation du VIH. Ensuite, j’ai intégré solidarité sida en tant que service civique et finalement je suis restée. J’y suis toujours actuellement, en tant que chargée de prévention.

La première mission de Solidarité Sida est d’organiser des évènements pour récolter des fonds. On a fait le choix d’organiser des évènements donc de faire du don direct par exemple. On organise par exemple le festival Solidays, qui est l’évènement le plus connu. On organise aussi un gala. Notre idée c’est vraiment d’organiser un évènement pour récolter des fonds qui soient reversés ensuite en France et à l’international à des associations d’aide aux malades, de soutien aux personnes vulnérables ou à des projets de prévention. A côté de cela, on a aussi une mission de prévention en France. Le pôle prévention mène des actions en Ile de France et auprès des lycéens dans la France. On intervient autant auprès de la population générale type foyers jeunes travailleurs qu’auprès des populations clés notamment dans le quartier gay du marais et dans le milieu festif auprès des usagers de drogue ou encore en détention.

Quelles sont pour vous les dates clés importantes dans la lutte contre le sida ?

C’est l’arrivée des traitements en France donc en 1996. Une date importante puisqu’avant ça il n’y avait pas de traitement disponible. J’ai aussi en tête 1987, avec deux dates importantes cette année-là : l’autorisation de la publicité pour les préservatifs en France ; puisque jusqu’à là elle a été interdite, et le programme d’échanges de seringues.

Vous êtes sur le congrès AFRAVIH aussi pour la plateforme ELSA, pouvez-vous nous expliquer qu’elle est cette structure ?

C’est une plateforme collaborative entre des associations comme SOLTHIS, le planning familial, Solidarités Sida et Sidaction. Le but est de favoriser les échanges de bonnes pratiques, d’expériences autant sud-sud entre les différents acteurs associatifs qui sont représentés mais aussi nord-sud et nord-nord. Il y a, par exemple, un centre de ressources disponible sur internet avec des fiches pays, des fiches thématiques pour vraiment être en renforcement de capacité et capitalisation aussi sur les bons savoirs faire et qu’une fois que quelqu’un a une bonne idée on puisse aussi la transmettre aux autres, qu’elles puissent donner d’autres idées.

Vous parliez tout à l’heure du festival Solidays, pensez-vous qu’un festival comme Solidays soit initié dans un autre pays ou existe-t-il un autre festival avec le même but dans le monde ?

Je ne crois qu’il existe un autre festival avec ce but-là. Au festival Solidays, on fait venir chaque année des partenaires internationaux. Ils sont une vingtaine à venir chaque année et évidemment, à chaque fois, ça leur donne envie, ça leur donne des idées pour faire les mêmes initiatives dans leurs pays. Pour moi, c’est quelque chose qui est possible mais évidemment dans des contextes différents. Il y en a plein qui ont cette idée là, mais pour l’instant, cela ne s’est jamais fait. Un autre évènement qu’on peut organiser comme le gala, a déjà donné des idées pour faire des soirées charités à d’autres associations. Donc je pense que petit à petit cela peut se mettre en place et que peut-être qu’un jour, on aura un festival qui permet de lever des fonds pour la lutte contre le sida en Afrique.

Pouvez-vous nous parler des futurs projets de Solidarité Sida ?

Un futur projet qui s’appelle FORSS sur la zone Moyen-Orient / Afrique du Nord. C’est une zone où on a vraiment peu de données. L’idée est de faire un observatoire en Mauritanie. C’est un pays où le décaissement du fonds mondial est très faible, on est autour de 6 %. Il y a peu de données sur les populations clés et peu d’accès au dépistage. L’idée est qu’une association porte ce projet et qu’on puisse avoir des données pour faire du plaidoyer. C’est un projet important qui va commencer au mois de mai et qui sera porté par Solidarité Sida avec le soutien de l’initiative 5 %.  Côté prévention, nous avons aussi des projets de proposer à nouveau une exposition qui s’appelle « Sex in the city ». Une exposition de prévention avec un parcours dédié aux plaisirs, à la sexualité avant d’aborder les risques. On aimerait bien ressortir cette exposition à Paris mais aussi travailler sur un projet pour en faire une exposition itinérante, qu’elle puisse toucher d’autres villes en France.

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Interview Emilie Seck 86.73 KB - 6 avril 2018

Interview Emilie Seck AFRAVIH 2018 ...

 

Interview Jean-Marie Masumbuko

Pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Jean-Marie MASUMBUKO. Je suis ivoirien d’origine burundaise. Je vis en Côte d’Ivoire depuis 30 ans et je suis engagé dans la lutte contre le sida depuis 25 ans. Le créneau ONG qui s’appelle ruban rouge Côte d’Ivoire et après j’ai eu une deuxième vie de chirurgien pédiatre avant de revenir à mes premiers amours que sont le sida. Depuis une dizaine d’années, je suis à fond dans le VIH dans des programmes de développement d’accès aux soins et des populations clés en général. Voilà brièvement résumé ces 25 dernières années.

Dans quelle structure travaillez-vous et quelles sont ses missions ?

Je travaille pour PACSI qui est un site de l’ANRS en Côte d’Ivoire. C’est un centre de recherche. Nous faisons de la recherche clinique méthodologique, épidémiologique et opérationnelle depuis une vingtaine d’années. C’est vraiment une des structures de référence en matière de recherche en Côte d’Ivoire et même dans la sous-région. Une des grandes réussites de PACSI est la grande étude qu’on a appelée TEMPRANO qui a montré l’intérêt de faire des traitements précoces. Cela a permis de changer les directives de l’OMS qui ont abouti au Test and Treat. Cela a montré l’efficacité d’un traitement précoce pour le survie des personnes.

Quelles sont deux ou trois dates clés de la lutte contre le sida pour vous ?

Personnellement, je suis africain. C’est l’arrivée des traitements qui ont vraiment changé notre vie ; en fait la vie des malades, la vie des médecins et la vie des militants. Moi, j’ai commencé dans le sida en tant que militant. C’est vrai que je faisais des études de médecine. Je suis devenu médecin et quand je finissais ma médecine ; à savoir en 96 ; il n’y avait pas de médicaments accessibles pour les personnes qui en avaient besoin. Les premières molécules sont réellement arrivées en 97- 98. Nous, quand on découvre le VIH, on a 20/ 21 ans et à cette époque le sida était égal à mort car il n’y avait pas de traitement. L’arrivée du traitement a été, pour moi, un chamboulement complet mais surtout l’accessibilité à la plus grande population, avec l’accès gratuit en Côte d’Ivoire en 2007-2008. Cela fait 10 ans que l’accès est vraiment universel en tout cas en Côte d’Ivoire. Sinon, les autres dates, sont les avancées scientifiques lorsque les premières preuves d’efficacité du traitement ont montré qu’une personne infectée et sous traitement n’infecte plus son partenaire, cela a été un grand chamboulement. Maintenant, dans les nouvelles approches, comme la prévention ; à savoir la PrEP, je suis actuellement responsable d’un projet de la faisabilité de la PrEP chez les travailleurs du sexe en Côte d’Ivoire.

Vous présentez un projet autour des travailleurs du sexe, sur la conférence, pouvez-vous nous en dire plus ?

Comme vous le savez, la PrEP est devenue, entre guillemets, la grande mode. Depuis les deux grandes études Ipergay et Prod, qui ont montré leur efficacité chez les HSH en Europe et aux Etats-Unis. Très peu de données étaient réellement accessibles en Afrique de l’ouest surtout en Afrique du sud subsaharienne. En Afrique austral, ils sont un peu en avance sur certaines études mais réellement en Afrique de l’ouest pas grand-chose avait été mené donc depuis deux ans grâce à l’ANRS et un financement de la fondation Bill GATES, nous menons une étude de faisabilité de la PrEP chez les travailleurs du sexe. Avant de la débuter, il fallait faire une estimation de l’incidence. Comme vous savez, l’OMS préconise que la PrEP soit prodiguée dans les populations où l’incidence est élevée au-delà de 3 % et nous avons pu faire une étude de coïncidence chez les travailleurs du sexe dans deux grandes villes à Abidjan et à San-Pedro. Les résultats nous ont fortement surpris car il y a une différence d’incidence et de vulnérabilité des travailleurs du sexe entre Abidjan et San-Pédro. A Abidjan, on avait une incidence autour de 1,6 % chez les travailleurs du sexe contre 3,6 % à San-Pédro. Ceci démontrait que lorsque l’on parle de populations clés, il faut spécifier : toutes les prostituées ne sont pas vulnérables au même niveau. Il y en a qui ont accès à l’information, l’accès à la prévention et qui vont systématiquement se protéger donc peut-être pas besoin de la PrEP mais uniquement de l’accès aux préservatifs. D’autres qui n’ont même pas d’accès aux préservatifs et prennent des risques. Je pense donc, que la mise en place d’un programme de la PrEP doit vraiment tenir compte des spécificités régionales et pas seulement du lancement d’un vaste projet qui fonctionne ailleurs. C’est important que chaque pays, même chaque ville fasse une étude de sa réalité sociologique, et anthropologique épidémiologique avant de mettre en place ces nouveaux produits de prévention.

La PrEP nécessite un suivi biologique avec des rendez-vous réguliers, est-ce que par rapport à la vie des travailleurs du sexe, cela n’est pas trop contraignant et y’a-t-il une bonne observance dans la population ?

C’est vrai que cette interview est rapide pour pouvoir tout développer. Nous nous sommes rendu compte de l’importance d’un encadrement par les cliniques communautaires. La notion de communautaire est fondamentale. La PrEP ne pourra marcher, en tout cas dans notre expérience que nous avons montrée, que lorsque la population clé concernée, que ce soit les HSH comme les travailleurs du sexe ou bien les usagers de drogue, se retrouve dans un environnement où elle peut être suivie ou acceptée, elle ne sera pas discriminée ni stigmatisée. Pour l’instant, ces réalités n’existent que dans les structures communautaires qui sont déjà habituées à faire de la sensibilisation, de la prévention et de la prise en charge de ces populations clés notamment des travailleurs du sexe. Il est donc fondamental que nos politiques africaines encouragent ce genre de structures pour qu’elles existent dans tous les pays. Il faut que ce soit elles qui soient vraiment en première ligne pour porter le message de la PrEP et surtout le suivi aussi bien médical que social. En effet, à côté du volet médical, il faut que se soient elles qui répondent aux autres questions. L’enquête que nous avons mené en Côte d’Ivoire, auprès de 1000 femmes à Abidjan et 400 à San-Pédro, a montré qu’au-delà de la PrEP, les travailleurs du sexe avaient de véritables questions en santé sexuelle reproductive, sur la contraception et même sur la gestion des menstruations. Les questions que les gens n’ont pas toujours l’habitude d’aborder quand on est focalisé sur le VIH. Une des questions qui est souvent et qui est vraiment très parlante, à mon avis : en cas de rupture du préservatif avec un client, les travailleuses du sexe ne connaissent pas leur première angoisse au sujet du VIH mais plutôt la peur de la grossesse. Si on n’arrive pas à répondre à ce genre de question, on passe à côté. La PrEP ne pourra se concevoir que dans un environnement de santé sexuelle globale.

Quelle est la place et reconnaissance des acteurs communautaires dans la recherche ?

Elle est fondamentale sans les communautaires, sans les structures spécialisées, sans les cliniques, sans l’inventivité de ces cliniques communautaires où il y a le volet à la fois préventif mais surtout prise en charge, il n’y aura pas de réussite de la PrEP. Il est fondamental que les communautaires soient vraiment en première ligne de l’accès à la PrEP mais surtout de la mise en place et du suivi parce qu’il ne suffit pas juste de distribuer des comprimés. Il faut aussi suivre la personne, l’encadrer, savoir où elle en est, comment l’aider, répondre à ses autres questions et cela notre système classique public ne répond pas à toutes ces problématiques. Pour l’instant, c’est le communautaire qui arrive à le faire et c’est vraiment ce communautaire là qu’il faut mettre en première ligne parce que c’est vraiment eux qui sont au front.

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Interview Jean-Marie Masumbuko 108.91 KB - 6 avril 2018

Interview Jean-Marie Masumbuko - AFRAVIH 2018 ...

 

 

Portraits d’acteurs sur la conférence AFRAVIH 2018 mercredi 4 avril 2018 : François Dabis et Florence Huber.

Interview François Dabis

François Dabis : COREVIH Nouvelle Aquitaine mercredi 04 ouverture de la conférence

Le Pr Dabis est un expert du VIH reconnu au plan international pour ses nombreux travaux sur l’épidémiologie et les défis de santé publique posés par cette infection virale. Il s’est ainsi attaché, tout au long de son parcours d’enseignant-chercheur, à évaluer des stratégies tant dans la prévention de la transmission du VIH que dans la prise en charge des patients. Le Pr François Dabis est Directeur de l’ANRS ainsi que président du COREVIH et de l’IREPS Nouvelle Aquitaine.

Pour les lecteurs qui ne vous connaîtrait pas, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

François DABIS : je suis médecin épidémiologiste. Je suis professeur santé publique ; ici à l’université de Bordeaux. Je suis président du COREVIH Nouvelle Aquitaine et depuis un an également Directeur de l’agence nationale de recherche sida hépatite à l’ANRS.

Pour vous quelles sont les trois dates clés de la lutte contre le sida ?

Trois dates clés… uniquement trois. Certainement 1983, l’identification et la publication des virus. L’interaction entre association et recherche non pas parce que c’est une équipe française qui l’a fait mais sans l’identification de la cause, on n’aurait certainement pas progressé assez vite dans la première phase de l’épidémie. Même si les deux années qui ont précédées, on a pratiquement tout compris de l’épidémie et de la transmission de ce virus ; alors qu’on en avait pas la cause mais si on n’avait pas identifié la cause c’est sûr que ça aurait été absolument impossible. Certainement le deuxième moment, c’est l’émergence des traitements dans le monde ; c’est-à-dire le passage du traitement réservé aux pays industrialisés aux traitements dans le monde entier. Soit en 2002, la conférence de Barcelone. En effet, c’était un peu la fin d’un cycle : Jacques CHIRAC, en 1999 va annoncer que les traitements étaient aux nord et les malades au sud ; puis, en 2000, Nelson MANDELA a dit à Durban que c’était inacceptable. En 2002, Nelson MANDELA monte à la tribune avec Bill CLINTON (qui n’était plus président à l’époque) pour dire qu’il fallait passer à l’acte. Ceci a permis, à partir de là, la bascule dans l’air des traitements dans le monde entier. Peut-être que la troisième date que je retiendrais, c’est probablement 2012-2013 ; à savoir la démonstration absolue que le traitement c’est la prévention. Pour le dire autrement, l’essai HPTN 052 qui démontrent définitivement qu’on peut réduire 96 % de la transmission par le traitement. C’est 3 dates prises parmi d’autres…

Par rapport à ces dates, quel impact ça a eu sur l’implication des associations des comités au sein de la lutte ?

Je ne pense pas que la première date cité, 1983, ai eu beaucoup d’impact sur le mouvement associatif ni sur la lutte communautaire. De toute façon, les associations étaient déjà à l’époque en train de s’organiser et elles avaient tellement de choses à gérer qu’il y a eu peu d’interactions avec la science (même si on a vu si vous regardez 120 battements par minutes   que très rapidement la science et le milieu communautaire se sont pratiquement reliés). Il est clair que 2000-2003, avec l’émergence des traitements dans le monde, ça a été décisif. Il faut se rappeler Treatment action campagn en Afrique du Sud et un militant faisant la grève des traitements en disant : « si moi j’ai la chance d’être traité et qu’on ne peut pas traiter les autres et bien je préfère arrêter de prendre les traitements et mourir comme les autres ». C’était, quand même, des moments incroyablement forts. Je trouve que la lutte rassemble à la fois la science et le milieu associatif pour un plaidoyer. Sur la dernière période, concernant le traitement comme moyen de prévention, les associations ont rejoint le mouvement et ont participés à la mobilisation pour le traitement universel. Mais s’il n’y avait pas eu les avancées scientifiques aussi importantes, je pense que le plaidoyer n’aurait pas fonctionné. Ici, c’est un peu l’inverse les associations ont rejoints un mouvement que la science avait vraiment ouvert.

Ceci nous amène à la place des associations dans la recherche car avec l’enquête Parcours et Ipergay notamment on a vu leur capacité à pouvoir intégrer la recherche.

On voit bien que l’interaction entre association et recherche s’est passée en trois phases.

La première phase, c’est celle qui est parfaitement décrite dans 120 battements par minute c’est-à-dire où les associations avaient à défendre le droit des malades et la nécessité absolue de les associer aux étapes de la recherche. C’était un droit qu’il fallait obtenir. Deuxième étape qui a duré longtemps, a été la co-construction de beaucoup de projets de recherche avec le milieu associatif et pour exemple le Trt 5 qui a été un outil quasi parfait. La troisième phase, beaucoup plus récente, a été, à mon avis, le démarrage en France d’Ipergay. Je ne suis pas sûr que beaucoup d’autres pays puissent dire qu’ils l’ont fait. Ce n’est plus la co-construction mais l’animation et la responsabilité directe des associations pour piloter de la recherche et ça c’est une nouvelle forme de leadership. A l’ANRS, on le stimule, ce n’est pas évident. A part Parcours, on n’en a pas 250 exemples. Cependant, on sait qu’aujourd’hui en France, nous avons la capacité d’avoir des associations qui peuvent être des leaders aussi bien dans la lutte que dans la recherche.

Pour finir, dans le Sud, à propos des recherches, est-ce qu’il y a des recherches notamment sur la PrEP qui engageraient justement des communautés ?

Le démarrage s’est fait presqu’en parallèle ; c’est-à-dire que s’il n’y avait pas eu les associations au sud, les programmes de recherches n’auraient pas pu s’exécuter aussi vite. Les associations ont répondu présents et grâce à cette synergie, nous avons pu faire pression sur les autorités pour mener des recherches et pour que des comités d’éthiques se développent aussi. Ceci afin de se consolider et travailler dans de bonnes conditions. J’estime que les associations du sud ont fait le même job d’une manière différente, un militantisme différent. Ils n’ont peut-être pas atteint le stade de responsabilité d’être les premiers responsables de la recherche mais j’ai bonne espoir sur des sujets comme la PrEP. Quelques excellentes associations, dans les pays francophones sont en capacité de le faire.

Allons-nous avoir de la coopération internationale au sein des COREVIH ? Est-ce que les COREVIH doivent faire de la coopération internationale ?

Aujourd’hui, il n’y a plus Esther ni tous ses mécanismes. Cela ne fait pas partie des textes réglementaires des COREVIH, ni de l’instruction que le Ministère va donner aux ARS. Cela pourrait être un vrai sujet de débat entre administrateur et coordonnateur de COREVIH. Il faudrait trouver d’autres formes de collaborations. Je ne pourrais pas répondre aujourd’hui s’il faut que les COREVIH s’engage sur l’international.

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Interview du Pr François Dabis 367.11 KB - 6 avril 2018

Interview du Pr François Dabis ...

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Pronostic et suivi des pvVIH libérées du centre pénitentiaire de Guyane 641.25 KB - 6 avril 2018

Pronostic et suivi des pvVIH libérées du centre  pénitentiaire de Guyane : premiers...

 

Interview Florence Huber

Madame Florence HUBER est médecin spécialisé en Dermatologie et Vénérologie. Elle consulte au Centre Hospitalier Andrée Rosemon à Cayenne en Guyane.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots

Je suis Florence HUBER

Pouvez-vous nous décrire la ou les structures où vous intervenez ?

J’ai plusieurs casquettes, une hospitalière, je suis médecin à l’hôpital de jour adultes de Cayenne, je suis également en charge des personnes infectées par le VIH au centre pénitenciers,  j’ai des activités associatives, je suis présidente du réseau ville hôpital qui s’appelle le réseau kikiwi et enfin plus récemment depuis fin 2013, je coordonne les CeGIDD pour la Croix Rouge comprenant également un centre de vaccination et lutte antituberculeuse pour les centres de prévention santé de la Croix Rouge de la Guyane donc sur tout le littoral guyanais c’est-à-dire Cayenne, Saint Laurent.

 

Quels sont pour vous 2 ou 3 dates clès de la lutte contre le Sida ?

La première date est 1981, c’est là où tout a commencé, la découverte du virus le début d’une grosse galère et aussi d’une belle histoire. Fin 1995, début 1996 avec les trithérapies là ça a été la révolution, des patients qui ressuscitaient des morts c’était quand même assez fabuleux et puissant. Troisième période je dirais que c’est aujourd’hui, on est à un tournant où finalement si on prend l’hypothèse pessimiste on risque de stagner et de plonger, de se contenter d’une certaine médiocrité, finalement les personnes les plus vulnérables, les minorités, vont rester lourdement affectées et les autres vont s’en sortir et l’autre hypothèse plus optimiste, c’est qu’on arrive à garder cette motivation, cette mobilisation qui est phénoménal en terme de santé internationale, c’est quand même un cas d’école ce qui s’est passé dans le VIH.

Concernant votre présentation quels sont les moyens que vous avez pu mettre en place en Guyane pour garder dans le soin les sortants de prison tout en étant confrontés aux sorties sèches ?

C’est une question difficile on ne peut pas dire qu’on est optimum, on essaye de s’améliorer c’est une problématique compliquée le premier enjeu c’est la préparation de la sortie comme je l’ai montré dans mon exposé. J’ai essayé de le démontrer avec un vrai travail de collaboration pluridisciplinaire sur l’organisation des sorties. Pour ça il faut pister les dates de sorties, ce qui n’est pas une mince affaire notamment quand on a des prévenus qui sont libérés à l’issue d’un procès, ça on ne maîtrise pas forcément les choses. Il faut pister les dates de sorties travailler main dans la main avec le SPIP ce n’est pas évident dans tous les centres pénitenciers mais en Guyane je dois dire qu’on y arrive quand même un peu. A chaque vacation je passe un coup de fil au SPIP. Il faut essayer de créer, de concevoir des projets avec des patients, avec le SPIP, avec les travailleurs sociaux (même s’ils ne sont pas très nombreux) et enfin après ce travail d’organisation de ces sorties la problématique de l’hébergement crucial puisqu’on a environ un tiers des sortants qui sont sans abri ou en habitat informel, un squat ; ça c’est un gros défi et pour avoir un hébergement il faut un accès au droit, ou en tout cas une perspective d’un accès aux droits, ce qui est le plus gros défi d’entre tous donc on travaille avec des partenaires tels que le CDAD la Commission Départementale d’Accès aux Droits, le SPIP bien sûr, mais ils ont très peu de temps à nous accorder sur ces points là on n’a pas de travailleurs sociaux dédiés donc gros soucis. En fait, pour faire clair, on est très souvent dans l’impasse. J’ai le sentiment très souvent de mentir à mes patients. La problématique post carcérale, la problématique VIH en milieu carcérale est une problématique de réinsertion essentiellement ou même d’insertion car pour certains ils n’ont jamais été insérés donc on peut parler d’insertion. Quand on voit que dans des pays d’Amérique du Nord on a deux fois plus de conseillers d’insertion pour le même nombre de détenus on a compris qu’on mène un combat qui pour certains sont perdus d’avance et ce qui est très désagréable c’est d’avoir le sentiment de mentir au patient en leur disant « voilà on va demander une carte de séjour pour soins ou on va essayer d’avoir un hébergement » alors que dans les faits c’est bien souvent impossible et ça c’est très douloureux, très usant. Les patients sont plutôt de bonnes compositions mais en tout cas moi ça me pose un réel problème de cas de conscience. J’ai l’impression en tout cas en Guyane que je suis arrivée à peu près au bout de ce que je pouvais faire en termes de biomédicale et qu’après le reste joue plus sur des combats politiques sur les plaidoyers, de lobbyings en sachant que la conjoncture actuelle est pas très favorable. En Guyane on a eu des mouvements sociaux assez intenses avec des bons élans xénophobes qui ont refaits surface avec des propos sécuritaires qui étaient quand même très dure envers les détenus donc on n’a pas de bons retours quand on propose de donner plus de droits et de favoriser l’insertion des détenus, ce ne sont pas des sujets d’actualité en Guyane actuellement. Je pense que sur l’ensemble du territoire français également ce ne sont pas des sujets très porteurs malheureusement.

Quels sont vos outils de dépistage rapides VIH ou autre en prison ?

On n’utilise pas beaucoup de TROD enfin quasiment pas puisqu’on a des outils sérologiques, on combine le dépistage syphilis, hépatite B, hépatite C, VIH avec finalement des rendus de résultats en une semaine environ. Après dans notre étude CAP VIH faite en 2014 on avait une proposition conséquente de patients disant ne pas avoir reçus de résultats sérologiques. Grâce aux résultats de notre étude on a pu réussir à corriger le tir, on s’est quand même amélioré, les médecins de l’UCSA qui sont des médecins généralistes très engagés reconvoquent systématiquement les personnes qui ont été testées pour remettre les résultats. À priori là on est plutôt pas mal car c’est exceptionnel que les détenus refusent. Pour toutes ces raisons on a pas forcément eu l’utilité d’utiliser des TROD, même si la question reste posée, mais en tout cas dans l’ordre de priorité ce n’est pas paru en numéro un.

Est-ce que les 21 cohortes du projet MARIC arrivent aux mêmes conclusions ?

Le projet MARIC est un projet international de grande ampleur, on inclut plus d’un million de sortants de prison sur pas mal de pays, piloté depuis l’Australie. Il faut savoir que le projet MARIC s’intéresse aux sortants de prisons tout venants pas forcément infectés par le VIH donc je pense que ça les intéresse d’avoir une cohorte de patients infectés par le VIH parce que ça permet d’avoir des analyses beaucoup plus spécifiques. Sur plus d’un million de sortants nous nos 147 patients n’ont pas forcément un poids très conséquent dans les analyses néanmoins ça me flatte beaucoup qu’ils nous aient proposé de participer au projet. Il y a une problématique de surmortalité carcérale qui dépasse la question du VIH. On a une forte mortalité dans les jours ; voire les mois qui suivent une incarcération indépendamment du VIH. Quand en plus on est infecté par le VIH on cumule la vulnérabilité socio-économique des anciens détenus plus la vulnérabilité biomédicale des personnes infectées par le VIH. Donc on cumule les deux types de vulnérabilités et ça fait un cocktail explosif en termes de mortalité.

En revanche, je ne peux pas vous répondre, sur les résultats qui sont différents d’un pays à un autre dans ce projet MARIC car il y a très peu d’étude déjà publiée. Les anciens détenus meurent beaucoup de morts violentes, d’accident de la route. Ils ont des pratiques à risque dans tous les domaines ; sans parler des overdoses pour les toxicomanes ni des homicides. Donc on a beaucoup de raison de mourir quand on sort de prison en plus du VIH.

En savoir plus….

Santé en milieu carcéral

AFRAVIH 2018 | Amphithéâtre B
mercredi 04 avril 2018 | 13:50 – 14:10
Type: Symposiums et espaces agora
Présentation :

14:00 – 14:10 Pronostic et suivi post-carcéral des PVVIH
Orateur(s): Florence HUBER (Guyane Française)

 

Présentation le 11 septembre 2015 plénière COREVIH de la thèse d’Alice Merceron : pronostic et suivi médical des patients détenus infectés par le VIH sortis de prison

La Guyane est le département français où la prévalence du VIH est la plus élevée. Comme décrit ailleurs, l’incarcération y a souvent un impact positif sur le diagnostic et sur les paramètres biologiques des personnes vivant avec le VIH (pvVIH). Dans l’unique centre pénitentiaire de Guyane 29,9% des détenus étaient sous traitement ARV à l’entrée en détention, contre 50,3% à la sortie. A l’inverse, 55,8% (n=147) des anciens détenus infectés par le VIH étaient en rupture de suivi un an après leur libération (Merceron, 2015, Huber 2017). Cette communication porte sur les premiers résultats de la recherche opérationnelle Kaïros.

Méthode: Le projet est mené par une équipe interdisciplinaire et interdépendante (sociologue, SPIP, médecin). Objectifs du projet Kairos ▪ Identifier les facteurs favorisant/entravant le suivi post-carcéral des pvVIH. ▪ Faciliter l’orientation post-carcérale des détenus. ▪ Participer à l’insertion socio-sanitaire des détenus, en traitant des enjeux de la RDR ▪ Faciliter le travail en réseau et les collaborations interdisciplinaires autour des malades chroniques après un épisode carcéral. Nous avons interrogé un public diversifié : détenus/ex-détenus vivant avec le VIH, détenus prochainement libérés, professionnels impliqués dans l’insertion socio-sanitaire des détenus. Les analyses préliminaires montrent d’ores et déjà trois résultats importants ➢ Les structures ressources sont méconnues d’un public à risque et en augmentation. Les détenus cumulent des vulnérabilités socio-économiques particulièrement péjoratives (absence d’activité salariée, pas de domicile fixe, séjour irrégulier, addiction aux drogues, etc.), et ils méconnaissent, voire ignorent les actions menées par les structures « ressources » présentes en détention et hors les murs. ➢ Le genre pourrait déterminer l’observance thérapeutique. L’analyse des premiers entretiens suggère que les hommes avaient peu de connaissances sur le VIH avant leur diagnostic, et étaient plus enclins à interrompre le TARV à la sortie d’incarcération. Cela corrobore les résultats d’une étude CAP réalisée en 2015, où les scores de connaissance des femmes étaient significativement supérieurs aux hommes, parmi les détenus de Guyane. En outre, les femmes rencontrées déclaraient effectuer des dépistages réguliers, contrairement aux hommes. ➢ A l’encontre des idées reçues… Pour la plupart des intervenants du champs sanitaire et social interrogés, la situation administrative, économique, et l’absence de domiciliation seraient les trois facteurs principaux qui entraveraient le suivi post-carcéral. Or, les premiers résultats de l’analyse des regards croisés de Kaïros suggèrent que la stabilité du réseau familial et amoureux pourrait être un facteur déterminant pour le suivi post-carcéral. Conclusion et perspectives Alors que le contrôle de la charge virale est une condition essentielle pour stopper la transmission du VIH, les ruptures de suivi post carcérales posent des problèmes sanitaires sur le territoire guyanais, où on estime qu’environ 5% des pvVIH sont sortis d’incarcération entre 2007 et 2013. Malgré les actions menées par les acteurs associatifs, les pvVIH ayant connu un épisode carcéral semblent éloignées des structures d’accompagnement. Le ciblage et les stratégies d’intervention devraient sans doute être réexaminés. Les liens affectifs préexistants pourraient être des déterminants essentiels pour maintenir le suivi au delà de la détention. Ces résultats préliminaires méritent néanmoins d’être conforté par les analyses ultérieures. Un contrat d’initiation de l’ANRS a permis d’amorcer le projet Kaïros en 2015. Ce projet a ensuite obtenu des financements de la MILDECA national et de l’ARS de Guyane.

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Interview Florence Huber 186.99 KB - 6 avril 2018

AFRAVIH 2018 ...

 

 

 

Bonjour à tous,

Les conférences internationales, telles que l’AFRAVIH 2016 (Alliance Francophone des Acteurs de Santé contre le VIH et les infections Virales chroniques) ont été l’occasion de nombreuses rencontres et d’échanges avec des personnes œuvrant dans la lutte contre le Sida.

Les COREVIH Bretagne et Ile De France Sud, ont voulu, au travers d’une série d’interviews répertoriés dans le livret ci-joint, vous apporter les points de vue de différents acteurs de la lutte.

Aussi, vous y retrouverez des témoignages d’acteurs du monde associatif, médical, de l’industrie pharmaceutique qui démontrent la nécessité de travailler ensemble, telle la philosophie de nos COREVIH. Pour l’AFRAVIH 2018 qui se déroule du 4 au 7 avril à Bordeaux, nos échanges vous seront partagés au quotidien.

Alors à demain et en attendant, nous vous souhaitons une bonne lecture….

Philippe Sagot et Hadija Chanvril
Coordinateurs COREVIH

 

PORTRAITS D’ACTEURS AFRAVIH / Interviews d’acteurs de la lutte contre le VIH, les hépatites et les IST…

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AFRAVIH 2016 2.93 MB - 4 avril 2018

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A l’occasion de sa visite du Planning Familial à Lille et dans la suite du lancement du Plan prévention le 26 mars 2018, Agnès BUZYN, Ministre des Solidarités et de la Santé, annonce la feuille de route 2018-2020 de la stratégie nationale de santé sexuelle.
La stratégie nationale de santé sexuelle vise à favoriser, à horizon 2030, le développement des politiques publiques en faveur de la santé sexuelle, allant de l’éducation à la sexualité à la santé reproductive, en passant par la prévention et le dépistage des infections sexuellement transmissibles et du VIH.

Elle porte 26 mesures concrètes qui permettront :

d’améliorer l’information et la formation dans le domaine de la santé sexuelle, notamment par l’organisation en région de campagnes annuelles de dépistage des IST,

– d’améliorer l’offre générale en santé sexuelle ; il s’agira notamment de garantir sur le territoire l’accès aux différentes méthodes d’IVG tout en renforçant la confidentialité de cet acte, d’étendre les missions des Services Universitaires de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé (SUMPPS) aux consultations de contraception et de prévention des IST, de transformer la consultation longue « IST/contraception » mise en place chez le médecin généraliste et le gynécologue pour les jeunes filles entre 15 et 18 ans en une consultation globale « santé sexuelle » au bénéfice de tous les jeunes, filles comme garçons,

– de renforcer l’offre de santé sexuelle destinée aux populations et territoires prioritaires ; des centres de santé sexuelle, d’approche communautaire, seront expérimentés dans des villes à forte prévalence VIH et IST ; en outre-mer, l’offre de santé sexuelle pour les jeunes sera renforcée, avec un accent mis sur le déploiement des actions « hors les murs », le soutien au développement associatif et la promotion d’actions innovantes,

– d’accompagner des projets innovants en santé sexuelle : dans plusieurs régions sera expérimenté un « pass préservatifs » donnant aux jeunes un accès à titre gratuit à une offre de préservatifs dans le cadre d’un programme d’information et de prévention ; Le site de la Boussole qui permet aux jeunes de connaître leurs droits sociaux va être élargi aux questions de santé et de santé sexuelle.

– de promouvoir et de mieux coordonner la recherche en santé sexuelle, en confiant à l’alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN), en lien avec l’alliance thématique nationale des sciences humaines et sociales (ATHENA) la mission de coordination et d’animation de la recherche et en garantissant le maintien d’un haut niveau de recherche sur le VIH et les hépatites virales au sein de l’ANRS.

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Feuille de route Stratégie Nationale de Santé Sexuelle 2018-2020 1.20 MB - 9 avril 2018

Conduire des actions visant à améliorer l’offre en santé sexuelle. ...
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Communiqué de Presse - Santé sexuelle : Agnès BUZYN présente la feuille de route 316.62 KB - 9 avril 2018

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 9 avril 2019 Santé sexuelle : Agnès BUZYN présente la...

Contact presse :
Lise Ardhuin – Ministère des Solidarités et de la Santé 01 40 56 78 82 / 06 69 33 54 48 lise.ardhuin@sg.social.gouv.fr

Le CNS a adopté un Avis suivi de recommandations sur la notification formalisée aux partenaires (NFP).

Les infections sexuellement transmissibles (IST) sont extrêmement fréquentes et parfois graves lorsqu’elles favorisent la survenue de cancers, provoquent des troubles de la fertilité voire menacent la vie des patients qui en sont atteints. Parce qu’elles passent souvent inaperçues avant la survenue de complications, elles nécessitent une optimisation des stratégies mises en œuvre pour rendre leur dépistage plus efficace. Lire la suite

Les recommandations AFEF (Association Française pour l’Etude du Foie) avec le soutien de la SPILF (Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française)pour élimination de l’infection VHC. Lire la suite

VIH CLIC est un outil indépendant d’aide à la prise en charge des patients vivant avec le VIH en ville.
Ce site est à usage des professionnels de santé. http://vihclic.fr/ Lire la suite

Le COREVIH Ile de France Sud soutien l’enquête Flash ! PrEP Europe

Cette étude portée par AIDES, Coalition Plus et l’Université d’Amsterdam vise à étudier l’acceptabilité de la PrEP chez les populations majeures les plus exposées au VIH : HSH, migrant-e-s, trans, usager-e-s de drogues, travailleurs-ses du sexe.

Comme son nom l’indique l’enquête se déroulera simultanément dans 11 pays européens, dont la France (Allemagne, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Suisse).

Cette étude sera très utile pour alimenter le plaidoyer européen pour un accès généralisé à la PrEP, partout en Europe. Lire la suite